"Lorsque le
chevalier de La Barre, petit-fils dun lieutenant
général des armées, jeune homme de beaucoup desprit
et dune grande espérance, mais ayant toute
létourderie dune jeunesse effrénée, fut
convaincu davoir chanté des chansons impies, et même
davoir passé devant une procession de capucins sans
avoir ôté son chapeau, les juges dAbbeville, gens
comparables aux sénateurs romains, ordonnèrent, non
seulement quon lui arrachât la langue, quon lui
coupât la main, et quon brûlât son corps à petit
feu; mais ils lappliquèrent encore à la torture pour
savoir précisément combien de chansons il avait chantées,
et combien de processions il avait vues passer, le chapeau
sur la tête.
Ce nest pas dans le xiiie
ou dans le xive
siècle que cette aventure est arrivée, cest dans le
XVIIIe. Les
nations étrangères jugent de la France par les spectacles,
par les romans, par les jolis vers, par les filles
dOpéra, qui ont les moeurs fort douces, par nos
danseurs dOpéra, qui ont de la grâce, par Mlle
Clairon, qui déclame des vers à ravir. Elles ne savent pas
quil ny a point au fond de nation plus cruelle
que la française".